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François Jacqmin : LES SAISONS - Le Printemps

 

 

 

 

Ce qu'il y a à dire du printemps,

le printemps le dit.

 

Il n'est pas de signes pour rendre

le vide mystérieusement touché.

 

La croissance s'accorde à son

propre lyrisme.

 

Pour entendre vraiment, il faut au cœur

plus d'amnésie que d'enthousiasme.

 

                            *

 

La brise annonce des noces

impitoyables.

 

Il y a une lueur d’apocalypse

dans tout ce qui naît.

 

L’herbe fait trembler le

néant.

 

Il est périlleux de ne pas

être jeune.

 

*

 

Le babillage des violettes

couvre le redoutable discours

de l'avenir.

 

Il s'agit de désigner le fruit

qui sera l'étendard de l'espèce.

 

Toutes les obscurités seront

ouvertes et passées au crible

du désir.

 

L'eau va forcer les serrures

du sol.

 

*

 

Le génie est de rassembler

toutes les ivresses.

 

Paradoxalement, la mort participe

à ce soulèvement.

 

L'existence va s'élever

concrètement dans l'inexprimable.

 

*

 

On se prépare à un

bonheur acharné.

 

On va fêter l'instant qui prétend

ne pas mourir.

 

La tristesse est devenue riche

et la torture digne des plus

fins éloges.

 

Le coucou se réjouit jusqu'à

l'idiotie.

 

*

 

Il faut peu de choses pour

construire lorsque l'on est

sous l'empire de l'irrépressible.

 

Les fragments les plus éthérés

du paysage ont des ressources

inépuisables.

 

Le vocabulaire du neuf s'élève

en significations pures  et

éternellement précoces.

 

Il est un temps où l'utopie

repose sur un perce-neige

 

*

 

La vie reprend haleine dans

le lilas.

 

L'illusion est délectable.

 

On se protège du destin en

mangeant une fraise.

 

Dans sa douce duplicité, le

coucou tente un timide

avertissement.

 

*

 

Il règne une félicité évasive

dont le dessein est de dissimuler.

 

Dans les airs, il y a un triomphe

étrange que la grâce

d'être neuf rend peu perceptible.

 

En scrutant l'ombre des bois,

la pervenche sent confusément

qu'un secret est à l'œuvre.

 

*

 

Le bouleau émiette la lumière.

 

L'œil s'émancipe et s'arrête

sur l'épaule de la forêt.

 

Les sentiers s'épaississent

d'éternités.

 

*

 

Ferment du vide, l'absolu

déborde sur l'herbe.

 

Le pré dispose de cette

faculté aigüe de rapprocher

les sentiments extrêmes.

 

Une fois de plus, le bon

sens est écarté en faveur

des graminées.

 

*

 

La lumière vient d'atteindre

son plus beau jour.

 

Il se fait un anneau bref et

scintillant autour des arbres

en fleurs.

 

On n'a pas eu le temps d'être

vraiment neuf.

 

*

 

Qui se souviendra que la cerise

fut une fleur ?

 

Qui dira que l'arbre fut un

bouquet qui dépassa

L'entendement du monde ?

 

N'est-il pas de tocsin pour

nous avertir de cette mort qui

vient par la beauté ?

 

***

 

Les Saisons ; Éditions Labor, Bruxelles 1988 , 228 pages.

Ici sont publiés quelques poèmes extraits de Le Printemps.

Suivront plus tard et successivement  des extraits de : L'Été, L'Automne, L'Hiver...

 

 

 

 

 

Tag(s) : #Poésie
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