A LA HUNE DE NOS MÉMOIRES
cette tente en attente
qui sous petit vent entend
doucement crisser ses coins
rappelle d’enfance les jeux babil de songe
cette tente en entente des vents
a maintenant sculpté à ses câbles
des camps une nostalgie désuète
mais sereine de grands parents
une tente des errances
toute aise de ses tapis empreints
des rencontres frileuses l’hiver
suaves de printemps
elle m’égrène de quelques solitudes
tous les contes balancés
à ses vieux mats de jonc
cueillis une nuit d’Afrique
car elle seule sait encore gonfler ses toiles
paroles du soir aux vieillards
qui de leurs yeux et de leurs mains
ont béni le sable où elle se tient
tente en attente de sa meilleure part
d’amour sait de génération
en génération toujours mûrir tendresse
aux joues rieuses des enfants
Dakhla nights sont noires de millions d’étoiles
les scorpions n’y ont d’autres pinces que les lunes
mais l’innombrable des étoiles en perd au moins une :
celle qui vient juste de filer le ciel
d’une seconde de plus d’éphémère
les poètes des espaces d’antan sont morts
leurs yeux jusqu’aux sourcils ensablés
mais au plus profond de nous vibre un souvenir
de leurs veines généreuses et tannées
ici l’ombre sourd de derrière
les espaces d’yeux
vent d’acacia
et lointaines senteurs
au silence
de la brûlure même
du bêlement de brebis brunes
***
Ces poèmes ont été publiés pour la première fois dans la revue « 12x2 Poésie contemporaine des deux rives », Alger, Mars 2003. Puis dans « Le Livre des Déserts », publié sous la direction de Bruno Doucey, Ed. Robert Laffont, coll. Bouquins, Paris, 2005. Enfin, un extrait (A LA HUNE DE NOS MEMOIRES) dans « Poètes des déserts » édité par La Fondation Déserts du Monde, Alger, juin 2006
l’ombre du même
ouvrir son flanc à la dune
sans plus d’agitation
que méditer le sable
grain à grain
avoir toujours été là
depuis l’aube des temps
et par le vide changer l’orient
des vents
désert
par l’ombre matinale
qui glisse aux antipodes
des mers
tactile est son ventre du néant
qui travaille
à l’éphémère
remodelant le souffle géologique
d’instant en instant
des hommes
il les épèle pores et
poils
creusant l’écoute prière
au profond
des os
nuage :
un invité qui n’oblige pas
mais partage
les roches les sables et vents
à la tente du monde
De mémoires caravanières
Vos routes de solitudes
Sont infinis gisements d’échanges
Séguia
que dira la lune
aux hamadas déchiquetés
que dira-t-elle
aux vagues du grand erg
quand de rêves en rêves
les oiseaux iront conter
histoire d’une séguia abandonnée
Béni Abbès
25 – 10 – 96
n’est-ce pas
étrange que me relire moi-même au désert
sous son impériale lumière
d’âge sentir la tristesse de l’éloignement
au proche mouvement des sables
qu’un vent fasse songe à ma nuque
alors que la chaleur sang des ancêtres
m’appelle
à l’autre bout de la planète
il n’y a pas et il n’y aura plus
de coin
à l’autre bout perdurera
seulement
un talisman de brume
assagi du mirage
friable de l’attente
que me reste-t-il
déserts
que lumière des sphères
sous l’oreiller