Poèmes inédits de Guy Allix
Le silence ne t’effraie plus
C’est une partie de toi
Levée au dedans du poème
Comme la meilleure part
De ce qui s’énonce encore dans la nuit
Dans le souffle le plus bas
N’écrire que là où ce n’est plus possible
Le poème ce ne peut être que cette urgence qui te foudroie
***
Il y a dans le monde
Quelque part
En cet instant même
Une femme qui dort
Elle est fragile
Et me rend fort
Simplement elle est présente
Et sa présence est devenue toute la présence
Une femme parmi d’autres sans doute
Mais elle est elle
Plus femme soudain que toutes les autres
Et s’arrêter près d’elle est un long voyage
Et tenir sa main tient lieu de raison
***
Tous les hommes ont le même âge
Petits ou grands
Jeunes ou vieux
Ils ont le même âge
Qu’on ne sait plus
Si ce n’est être mort
Déjà là à jamais
Et tous les poèmes étaient là
Depuis le début
Depuis si longtemps
Que se compte le temps
Etaient déjà écrits
Dans une seule goutte de temps
Une goutte infinie
Rien ne se dira plus rien de plus
Que tout cela dans cette goutte
***
Tu es venue de si loin
Tu es venue si près
Ces deux mondes étanches
Et nos deux corps qui se nouent
Une rencontre improbable
Et l’évidence de notre étreinte
Si loin l’un de l’autre et si près désormais
Que l’univers n’est plus que notre île
***
Rencontre
Un jour, une devanture de fleuriste dans une petite ville de province. Désœuvré, le marcheur s’arrête, distraitement quand une fleur sidère son regard. Il finit par oser. Il entre et, pour continuer d’admirer cette inaccessible fleur, il commande une rose, rouge. Il règle puis offre simplement son achat à celle qui l’a servi. Sidérée à son tour, elle bredouille quelques mots. Il n’en a retenu que le trouble presque musical et le sourire qui les portait.
Il ne sait plus ce qu’il a dit, il ne sait plus même s’il a commis une seule phrase. Il est sorti, se retournant une dernière fois pour « fixer le vertige ». Travaillant dans cette même ville, il n’est jamais revenu dans le magasin, n’a jamais tenté de la revoir. Ne l’aura jamais effleurée.
Elle a gardé, peut-être, au plus intime de la mémoire, cette rencontre plus belle d’avoir été ainsi qu’un rêve, sans lendemain. Il n’est pas sûr que la rose rouge se soit fanée un jour.
***
Extraits de Au nom de la terre (en préparation)
Patience de la terre
Juste une poignée de terre
Et un peu d’eau
Juste une poignée terraquée
Et tu attends
Que germent les premiers mots
Entre tes doigts
Dans le silence recueilli de cette main
Qui consent à l’humus
A ce cycle terrible
Où toute vie est terrassée
Pour que renaisse le vivant
***
Epreuves
1
A l’affut du moindre soupçon
De ce qui ne se dit pas
De ce qui n’ose se prononcer
De ce qui t’épouvante
Fouiller les entrailles obscures
Et ramener la lave au jour
Pour qu’elle s’érode sous le soleil et la pluie et le vent
Jusqu’à faire un sol meuble prêt pour la charrue
Et ta sueur et ton sang
2
Le murmure en toi
Parfois comme en jachère
Se gonfle de silence
Tu pénètres en avance d’une mort
Sourdement le mystère
3
Tu continues le sillon
Comme si tu creusais jusqu’au bout
De cet horizon blanc
Qui t’enracine
Jusqu’au centre de ce nom
Et cela grouille très profond
Tu as ravitaillé de restes de vie
La terre qui te nourrit
Et que tu nourriras de toi
4
Terre pleine de pourriture et de feu
Comme en avance de ta putréfaction
Et c’est cela qui produira le miracle
Cette fumure naturelle comme dans les livres qui t’amendent
La terre a-t-elle mémoire des morts qui l’ont nourrie ?
***
Les cris des bêtes dans la nuit
Comme un écho de l’énigme
Tu te blottis encore un peu
Dans l’âtre de ta mémoire
Cette terre inconnue au fond de toi
La pulpe du jour
Se répand comme une flaque
Ton ombre sidérée
Se signe une dernière fois
***
Et cela même qui dans la mort
Révèle un peu ce qui passa
Et toi qui sans croire
Croyait encore un peu
Et qui étais sans foi
Plus que foi
Toi étendu là terrassé
Prêt à l’ultime don
Dans la sublime chute
***
Et toi qui ne fus
Que le peu
Tu donneras force
A la terre
Force jusqu’à cet arbre
Qui tutoie le ciel
Ta trace ici-ba