Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Edmond Jabès : Quatre poèmes...

Nomade ou marin, toujours, entre l’étranger et l’étranger, il y a – mer ou désert – un espace délinéé par le vertige auquel l’un et l’autre succombent.
Voyage dans le voyage.
Errance dans l’errance.
L’homme est, d’abord, dans l’homme, comme le noyau dans le fruit, ou le grain de sel dans
l’océan.
Et, pourtant, il est le fruit. Et, pourtant, il est la mer.

 

 

 

 

 

In Un étranger avec, sous le bras, un livre de petit format, © Gallimard, 1989, p.18

****

 

 

 

 

 

Je suis un silencieux. Je me demande, grâce au recul que je prends, maintenant, avec ma vie,
si ce goût prononcé pour le silence n’a pas son origine dans la difficulté qui, de tout temps,
fut la mienne, de me sentir d’un quelconque lieu.
Avant de connaître le désert, je savais qu’il était mon univers. Seul le sable peut accompagner
une parole muette jusqu’à l’horizon.
Écrire sur le sable, à l’écoute d’une voix d’outre-temps, les limites abolies. Voix violente du vent ou, immobile, de l’air, cette voix vous tient tête. Ce qu’elle annonce est ce qui vous agresse ou écrase. Parole des abyssales profondeurs dont vous n’êtes que l’inintelligible bruit ; la sonore ou l’inaudible présence.
S’il fallait une image au Rien, le sable nous la fournirait.
Poussière de nos liens. Désert de nos destins.

 

 

 

 

Ibid p. 32 et 33

****

 

 

 

 

 

J’ai quitté une terre qui n’était pas la mienne,
pour une autre, qui non plus, ne l’est pas.
Je me suis réfugié dans un vocable d’encre, ayant le livre pour espace,
parole de nulle part, étant celle obscure du désert.
Je ne me suis pas couvert la nuit.
Je ne me suis point protégé du soleil.
J’ai marché nu.
D’où je venais n’avait plus de sens.
Où j’allais n’inquiétait personne.
Du vent, vous dis-je, du vent.
Et un peu de sable dans le vent.

 

 

 

 

 

Ibid p. 107

****

 

 

 

 

 

Il avait – lui semblait-il – mille choses à dire
à ces mots qui ne disaient rien ;
qui attendaient, alignés ;
à ces mots clandestins,
sans passé ni destin.
Et cela le troublait infiniment ;
au point de n’avoir, lui-même, plus rien à dire,
déjà, déjà.

 

 

 

 

 

In L’appel (1985-1988), dans Le Seuil le Sable, Poésie-Gallimard, 1990, p. 396

Tag(s) : #Poésie
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :