1er MAI 2017
De jour comme de rêve
C’est toujours aux sommets que tu aspires
Aux accomplissements de lumière
Entre ascension et instant
Tu laisses le soleil te dénuder
Et défaire l’ombre de ses illusions
Avec le temps, nous voici emplis d’images
Mais la première n’est jamais effacée
Ainsi des visages où souvent l’enfance affleure
Ainsi de ton visage
Dans l’instant posé sur les ailes d’un grand oiseau
Si proche de l’épure et de l’élan
Tu perçois parfois la statue de marbre blanc
***
APRÈS LE VENT MALGRÉ LA NUIT
Au pays des éoliennes
Les verticales se replient
Quand le vent est tombé
Puis la brique s’éteint dans le sable
Aimant de l’horizon sans partage
On avance dans une douceur insidieuse
Brume, battements d’ailes
C'est une incertitude blanche
Concentrée dans l'instant qui lévite
Les ancres sont levées des possibles soleils
Navires obscurs dans l'écho qui se perd
Lentement
Un appel traverse le dépoli d’un miroir
Lentement
Un homme s’éblouit de silence
Reste cette courbe de ciel
Cette envie bleue vibrant dans un bol
***
CE VISAGE DES JOURS INSUS
L’enfance y joue encore
Tant de beauté immédiate
Offrande d’un repos et grâce de l’éveil
Contemplation d’un printemps qui se serait incarné
Et palpiterait d’un rameau à l’autre
Blanc blanc blanc
Comme ces pétales qu’on voudrait boire
Tant il semble que la soif s’y perdrait
Intuition avec son éclat de lame
Nous avons abandonné le jardin
Cendres
Cendres sur l'églantier
Cendres sur les vergers
Puis nous avons tranquillement refermé la grille
Ce visage qui parfois affleure
Sur la neige lustrale et les déserts
Parfois ce visage... qui toujours échappe
Visage sourcier
C’est narcisse sans miroir
Une lecture dans tes larmes
Une absence pour aimer ce qui la peuple
***
C’EST QUOI UN OISEAU ?
Une ligne vocale dans la conque du ciel
L’étoile vivante de chemins ascendants
Les chatoiements d’un vitrail musical
Un cœur si palpitant sous la grâce d’une aile
Mais surtout
Jaillie du chœur des arbres comme une eau lustrale
Chaque nouvelle aurore
***
LA FENÊTRE OUVERTE
Dehors
Battements d’ailes et friselis des feuillages
Dedans
Un merle ponctue la voix sereine
Monde d’ascensions, d’espoirs et de larmes
Modelé par un christ-oiseau
Souffert par l’enfant volé envolé
Le fils de l’homme et le fils de l’autre
Raviver la parole et l’image
Pétrir l’écho et le reflet en pâte de lumière
Qu’ainsi la présence froisse l’air
Présence
Légère et fidèle comme les printemps
Souveraine comme cette fillette sous un pommier
Bravant jadis la guerre dans son abri de fleurs
Aux confins du cœur
Sur une crête du temps
Fleurit continûment l’arbre bienveillant
Elle y retrouve ses voyageurs ineffables
Dilater le présent
***
LA GRANDE FUGUE
I.
Pas de faste dans les ombelles portées haut
Pas d’exubérance dans l’éparpillement des fleurs
Véronique, narcisses, œillets et asphodèles
Du blanc du rose du bleu du jaune
Comme on dit le pain et le vin
Sans nuances pour blesser leur candeur
C’est de l'origine parcourant tes recoins
Un cri brusquement doré
Qui se cogne aux parois
Puis s’éteint dans des mots élimés
Il faudrait des paroles semblables aux fleurs
Avec leurs principes avec leurs parfums
Le vent prend corps dans l'herbe haute
Mais nous
Qui nous consolera de la césure ?
II.
La lumière
Une poignée d’oiseaux
Tout ruisselle
Du feu crissant des genêts
Ricochent des tremblements de soleil
Clartés prolongées dans les sonnailles
Marguerites libérées des prophéties
Tout se tait qui ne soit oiseaux ou grillons
Plus rien ne pèse pas même les pensées
Peur abandonnée dans les bois sombres
Débris de nuit enfermés dans la neige
Séisme lent dans le parfum sourd des narcisses
C’est le grand corps de la terre
Gorgée d’eau vaillante et d’astre tiède
Un homme une femme
Une coulée d’ombellifères
Ils avancent
Souverains
III.
Alouette envolée du poème
Son chant vertical
Dans l’espace aux doigts de pluie
Océan d’herbe haute balisé de genêts
Frémissement des ombellifères
Constellations de boutons d’or
La prairie brasille
Le ciel partout
Entour lustral
Où régénérer le cœur
Vie immédiate
Princière
Toute ombre disparue des asphodèles
***
LA SOLITUDE ET LES FLEURS
Pays de brume et de givre
Qui ne se donne et sidère
Qui t’exile et t’éloigne
La terre patiente
Travaillée dans le secret des racines
Grosse de l’herbe à venir
Dormance
Frontière sublime d’un pays d’ailleurs
Eblouissant et mutique
Comme si la terre exhalait un songe
Ah sentir des fleurs et du feu
Rejoindre le pays des Hommes
N’est-ce pas ?
***
OSTINATO
Tu lis dans un poème que
La pierre s'obstine
Et les blés de même
Mais c'est l'homme qui s'entête
Il ne retrouve pas l'enfant
Dans les galets et la grande berce
L'enfant qui fluctuait dans sa petite éternité
Ainsi des oiseaux dans leurs enclos de vent
Même dans ton sommeil
Tu parcours des chemins
Des villages séculaires
Jusqu'aux butées du jour
Mais parfois l'enfant te laisse
Et tu entres dans l'instant des glycines
***
RENDRE HOMMAGE
Guerre mutique des murs
Les hommes ont choisi la cendre
Sans embrasser le feu bienveillant
Mais toujours je vous revois fraiches fiancées
Avec vos robes claires et vos bouquets d’arums
Vous êtes le mois de mai et le jardin blanc
J’ai appris des mots savants et des langues d’ailleurs
May mayo bealtaine май
Mais l’enfance parle toujours plus fort
Car beaux sourires des fêtes perdues
Vous m’avez donné le mois de mai
Et cet abri vague où retrouver parole
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Ghyslaine LELOUP, née le 1er février 1956. Travaille depuis 1984 dans le milieu artistique, notamment dans les domaines de la musique et des arts visuels (IRCAM/Pierre Boulez ; La Fenêtre, collectif d’auteurs-photographes; Sunshine/Stéphane Tchalgadjieff, producteur de cinéma -dont India Song de Marguerite Duras, Out 1 de Jacques Rivette, Le Diable probablement de Robert Bresson). Publiée en poésie depuis 2000.
BIBLIOGRAPHIE NON EXHAUSTIVE
.
RECUEILS
Le Rêve aux mains lentes. La Bartavelle éditeur, 2001
L'Ange de sable. Editions Encres Vives, 2003
La joie, pourtant. Hélices Poésie 2006
Sur le seuil, promis. L’Harmattan-Accent tonique, 2013
Nuit chorale, son soleil sous les paupières (préface d’Emmanuel Merle). Editions Unicité, 2016
Bien à vous / une correspondance. Co-écrit avec Noël ROCH, préface d’Alain Vircondelet. Editions Unicité, août 2017
. ANTHOLOGIES
pas d’ici pas d’ailleurs. Edition Voix d’Encre, 2012
Dires d’elles. Edition Hélices, 2010
Anthologie poétique, Francopolis 2008-2009. Editions Clapas, 2009
Anthologie. Editions Encres Vives/Michel Cosem 2004