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NATURE REPENTIE

 

Je t’enchaînais à mes joies,  au tronc de l’arbre qui mûrissait notre secret. Pluie après pluie, je descendais la pente du vent. Quand la tempête fut à son comble et que tes seins ne suffirent plus à retenir mes poings, je me noyai dans l’obscur sanglot de ta nature repentie. Ton corps se tordit en une corde d’espoir pour fouetter l’esprit de mes génuflexions. Puis plus rien n’eut lieu qu’une jonque sur une étendue d’eau calme comme ton teint. Plus rien pendant un hiver fait d’oiseaux nus se jetant contre des murs pâles. La neige aussi avec ses habits nuptiaux, son long collier de dentelle au cou des forêts ne me parlait plus de toi, ou bien de manière floconneuse. La vie glissait, je tirais au hasard les fils de mon passé, il y eut bien des réminiscences soyeuses mais peu de nourriture pour les sens. Puis, sans qu’il y paraisse, tous tes fruits reverdirent à la branche du temps tandis qu’à l’Est, un soleil que je ne connaissais pas m’envoyait ses blancs rayons en souvenir de ta poitrine, de ton ventre, de tes épaules opalines peut-être.  

 

 

LA NUIT CONTINUE

 

La nuit continue au-delà des bizarreries du jour. Juste avant la fin des leurres, une lampe atténue l’horizon. Un feu pointe. Faut-il alors retenir son souffle ou passer outre la barre des tempêtes, la raison reléguée au rang d’obscur éclair ? Refaire le point avec les lignes de la main ou du songe ?

Porter l’eau là où n’éclaire que la braise ? Tenir haut le prisme d’incertitude ? Marquer la gazelle au fer de l’espoir quand les yeux se cassent de trop fixer le soleil?

On ne peut pas dire que le verbe sommeille avant d’avoir levé un mot dans le piège du sens. D’une feuille reconstitué l’enfance de l’arbre. Fait un nœud à la branche, dénoué les langues. Dormi une vie entière en attendant la plaie salvatrice, l’ultime appel du texte de l’existence. Uni les mains du temps, raviver sa force. Appelé les amants à unir leur sexe dans le ventre plein d’un taureau. Après le massacre des aficionados aux portes de l’arène.

 

 

ENTRE HIER ET DEMAIN

 

Je prends appui sur la ligne d’horizon pour voir plus loin dans le passé. D’une étoile à l’autre, j’atteins la pleine enfance. Préservée par les hautes futaies, c’est une petite clairière avec de l’herbe touffue et un soleil tamisé par le feuillage. J’ai pour progresser et me défendre des broussailles un simple bâton. Les fougères s’aplatissent sous la rudesse de mes coups. Me voilà face à des ruines. Effets d’un bombardement de la dernière guerre, encore proche ? Comment savoir ? Je remplis mes poches de pierraille et de verre, de restes de mortier. J’entreprends de rentrer et ne retrouve bientôt plus mon chemin. J’erre jusqu’à la tombée du soir, perdant dans mon égarement mon bout de bois et jusqu’au souvenir du soleil. À la lumière d’une pâle lune, je dispose devant moi les vestiges des décombres et je comprends, je comprends enfin. Que c’est mon lointain que j’ai vu là, la demeure déjà ancienne de mes espérances. Entre hier et demain, je choisis de m’éterniser sur place, de circonscrire à jamais l’espace de mes pas.

 

 

MA MAIN

 

Ma main elle fait le tour de la terre.
Elle dépose au fond du bac un sablier.

Elle va aux lèvres à la saison des bouches.

Elle donne des formes au soleil de tes hanches.

 

Ma main elle fait le tour de la terre.

Elle craque les haleines avec une allumette.

Elle allonge les corps qu’on boit avec de l’eau.
Elle tord le cou des mots les plus exposés.

 

Ma main elle fait le tour de la terre.

Elle va à l’essentiel en passant par ta rosée.

Elle se défie des doutes et des doigts.
Elle écrase des regards dans les yeux de passage.

 

Ma main elle fait le tour de la terre.
Elle va d’un pôle à l’autre en paroles fugaces.
Elle flâne sur les boulevards en narguant les pluies.
Elle en appelle à la glace et au brasier pour t’écrire.

 

 

 

NOUS NE DIRONS PAS DE MAL

 

Nous ne dirons pas de mal

Des fenêtres de branches cassées

Des rivières mortes sur le bord des allées

Des portes endormies sur le seuil de l’hiver

Des fruits blets tombés du ventre de l’ennui

Des grammaires oubliées au fond de la langue

Des offenses rectilignes à la mappemonde

 

Nous ne dirons pas de mal

De l’arbre couché sur le dos d’une feuille

De ta bouche quand elle boit les baisers

De ta peau quand elle avale les caresses

De l’orbe du temps sous la voûte d’un chant

Du verbe étendu à l’ombre d’un regard

Des retombées de silence sur ton passage

 

Nous ne dirons pas de mal

De la boule de vent que tes seins font tourner

Des marches de la pluie qui conduisent au soleil

Des mots sous la lune disant l’oiseau de nuit

Des morceaux de plage défaite sur un semblant de mer

Des épaules découpées par un couteau de flanelle

Des traînées de désir soulevées par tes robes légères

 

 

 

 

 

 

Vous pouvez continuer à lire régulièrement Eric ALLARD sur sa page F.B.

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Tag(s) : #Poésie
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