Pendant toute la journée
seul le jour passait
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L'eau qui dévale des montagnes
se repose dans ma cruche
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Des pierres lancées
contre moi
j'ai construit
les murs de ma maison
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L'homme
se contemple
dans l'homme
Il meurt
comme un verbe
aboli par un verbe
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Je vais
je viens
je sors du temps
Mon poids
alourdit l'univers
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Un ange nous frappe
le crâne
avec des rayons de lune
Il nous empêche
de demander à Dieu
"À qui ressemblons-nous ?"
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En dehors du rêveur
les rêves s'accomplissent
ils labourent la même terre
que la vie
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Marcher à travers les siècles
à travers le temps
des vivants et des morts
Sur une route
où nous partirons demain
pour arriver hier
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Retourne-toi
le passé
est l'inventaire du futur
Tu mourras de ton origine
tu vivras de ta mort
Le monde est un caroussel fou
où tu chevauches ton ombre
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Dans mon poème
les soirées vieillissent
les ombres s'entassent
dans les coins
La peur
s'appuie sur l'échafaudage
des mots
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Depuis des jours
tombe la pluie
dressant des colonnes d'eau
dans les cours obscures
où rouillent des enfants
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L'arbre multiplie ses feuilles
les aditionne
les déduit
calcule sa racine carrée
***
Et Dieu demanda au poète :
"Qu'à-tu fait de mes paroles
plus fertiles que les semences ? "
Le poète répondit :
"J'en ai fait des poèmes
ils ont explosé
Comme l'astrologue
je contemple les trous noirs"
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Mes naissances
me poursuivent
Je passe à travers les mères
sans les retenir
Des marches descendent
vers leurs bassins
où nagent les viscères
J'y fais flotter mon ombre
comme une plante aquatique
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Sans me regarder
ma mère me voit
tel un paysage
où elle n'aurait pas grandi
"Tu es l'image
de ton père
dit-elle
en me lavant
comme un mort"
Mes os
radeaux de sauvetage
glissaient dans le sang