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Moine de Ligugé

 

 

 

   Il est rare de rencontrer un poète vivant, tout simplement parce qu'il est impossible d'en surprendre jamais aucun sur le fait. Avec la plupart nous communiquons par-dessus le mur, nous jouons à cache-cache dans la forêt du temps. De temps à autre.

 

 

   À dire vrai, nous ne sommes jamais qu'à quelques encablures de la Fête ; de nous seuls dépend que nous fassions ce seul pas qui nous en sépare, et qui est le pas de danse.

 

 

   Le véritable art de vivre veut sans doute que nous menions notre vie autant que nous nous laissions mener par elle ; c'est comme si, pour avancer, il nous fallait établir un perpétuel tempérament entre la direction active et l'abandon, entre la maîtrise et le consentement. Car, en cette sorte d'avancement, il n'y a pas moins d'avantage à être mené qu'à mener soi-même, encore que l'on ne s'avise pas toujours suffisamment à temps.

 

 

 

   Somme toute, l'homme contemporain s'accomode assez bien de dieu ; mais pourvu qu'il soit anonyme et inhabité.

 

 

   Trinité : maturité de la rose, aussi réfléchie que généreuse. La Rose incréée, toute au-dedans et toute au dehors à la fois.

 

 

 

   L'amour ne se réalise qu'inconsommé. Mais peu d'êtres ont assez d'altitude pour le concevoir, et il s'en trouve bien moins encore pour le vivre.

 

 

 

   Trinité : l'existence même à l'état de banquet, puisque aussi bien Ils se partagent le pain et le vin d'un seul et même exister. L'Eucharistie ne se célèbre pas seulement avec nous : elle est déjà dans le ménage le plus intime de Dieu et dans son Vivre-à-Trois.

 

 

 

   De la prière - Ne demande rien de particulier, mais que ton être, tout ton être, soit mendiant. La demande est déjà suffisante et parfaite dans la simple adresse de ton être à Lui. Tout le reste va de soi.

 

 

 

   La perfection de la vie spirituelle est déjà tout entière dans l'exactitude que l'on met à se lever chaque matin, comme si l'alacrité de ce premier acte entraînait naturellement celle de tous les autres à venir. En emboîtant le premier pas du Premier-né, cette surrection quotidienne, joyeuse, automatique, et sans concession au moindre commencement de lassitude, affermit insensiblement en nous je ne sais quelle habitude, je ne sais quel tempérament de vie éternelle. Pour qui ne laisse jamais au temps le temps de pourrir, il n'existe pas de tristesse.

 

 

 

   L'émerveillement est la forme la plus élémentaire et la plus universelle de l'altruisme, puisque aussi bien il ne saurait exister sans quelque autre-chose qui le suscite, cet autre-chose qui est notre prochain le plus simple et le plus petit.

 

 

 

   Avant de nous essayer à calligraphier la beauté, il faut que nous la laissions longtemps se calligraphier toute seule en nous. La simple adhésion au réel représente certainement l'hommage religieux le plus élémentaire comme aussi le plus achevé, car le sacrifice qui plaît à Dieu ne consiste point à offrir quelque chose de supplémentaire, mais à s'offrir soi-même, dans la réceptivité la plus rigoureuse et la plus virtuose, au simple contact de ce qui est déjà.

 

 

 

                   L'en-soi de la rose est rendez-vous.

 

 

 

   La plupart des hommes subissent leur propre psychisme dans une sorte d'inhibition et de panique animale. Bienheureux ceux qui, devenus par la clairvoyance leurs propres médecins et capables de se distancer eux-mêmes avec exactitude, exorcisent les ombres qui les hantent et tiennent en respect les monstres potentiels qui les habitent. Bienheureux ceux en qui il fait jour, mieux, ceux qui font eux-mêmes les jours, parce qu'ils travaillent sans cesse au grand œuvre de leur propre civilisation intérieure. Car on ne répétera jamais assez à l'homme qu'il est, à lui tout seul, déjà, toute une civilisation possible.

 

 

 

   Nous nous prendrions à désirer, parfois, que la crainte nous délivrât de l'angoisse : c'est que la première se montre, tandis que la seconde cache son visage et résiste obstinément à ce que l'on pose sur elle le moindre nom.

 

 

 

 

 

 

 

Étincelles II 2003-2005 / 480 pages... 28 Euros (éditions Ad Solem) a reçu le prix 2008 du Livre de Spiritualité Panorama - La Procure. 

 

Tag(s) : #spiritualité
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