Le sang du poète perle dans la rosée quand il marche dans les glaïeuls de la fin du 19 ème
Le sang du poète coule dans les mêmes veines que celui des coquins et des bienheureux
Le sang du poète verse la même averse quand la guerre le cloue à la tête de son lit
Le sang du poète a le même prix qu’il soit ouvrier de débauche bourgeois ou millionnaire
Le sang du poète irrigue un cerveau lent qui prend le temps de la marche en eau trouble
Le sang du poète jaillit dans les tranchées qui mènent aux boyaux de la défense de rire
Le sang du poète invente des infarctus qu’un petit roseau suffit à faire déchanter
Le sang du poète à la rougeur mignonne des roses qu’un matin oblige à pleurer
Le sang du poète ne fait qu’un seul tour quand les manèges déménagent en sourdine
Le sang du poète fait l’honneur du bras à tous ceux qui veulent abreuver ses sillons
Le sang du poète menace de thrombose quand il ouvre son cœur à la fille de sa couche
Le sang du poète envahit son visage d’une bouffée soudaine qu’on dit inspiration
Le sang du poète se transfuse en douce vers ceux qui lui branchent une oreille distraite
Le sang du poète irradie des neurones passants qui ne s’attendaient pas à pareille affluence
Le sang du poète charrie dans ses globules un tapis de bruyère et de déserts arides
Le sang du poète se jette dans la mer pour rendre aux poissons leur domaine exclusif
Le sang du poète berce une sirène qui cherche une nouvelle queue pour la saint Valentin
Le sang du poète crame des images qui n’ont de rhétoriques que le début du mot
Le sang du poète tient les assises du feu bavardant en copain avec la lave du volcan
Le sang du poète nourrit des petits monstres qui reçoivent le bon dieu sans même confession
Le sang du poète s’écarte des artères qui mènent sans arrêt à toute rédemption
Le sang du poète infirme des plaquettes qui devraient le nourrir et l’affament en douce
Le sang du poète colore son destin d’un vermillon grand teint qu’on ne peut effacer
Le sang du poète transmet son atavisme aux colonies de thons qui toisent le glacier
Le sang du poète se répand dans la nuit qu’il éclaire d’un phare qu’on ne peut pas détruire
Le sang du poète draine le sang des mots vers un cœur impossible pétri d’éternité
Le sang du poète comble les manques flagrants d’une civilisation en mal de devenir
Le sang du poète inquiète les biens pensants qu’une prière retourne comme une pichenette
Le sang du poète élargit la beauté qui sort de sa gaine et l’entoure d’un mot beau
Le sang du poète colore des joues des filles qui passent à sa portée quand il prend le maquis
Le sang du poète galvanise des foules devenues moutonnières par manque de globulins
Le sang du poète harangue les anémiés qui sont de mauvais sang toujours en jérémiades
Le sang du poète teint les cimetières qu’on remplace souvent par l’urne des élections
Le sang du poète isole les îles vierges en mettant des anneaux coupant de part en part
Le sang du poète sève dans les pins un liquide nourricier que plus personne ne boit
Le sang du poète s’invite dans les verres que quiconque ne vide par manque de gaité
Le sang du poète transfuse un mot de plus qui change de tout en tout l’ironique destin
Le sang du poète c’est le votre c’est le mien et il faut tenir qu’il ne disparaisse pas
CORPS ET BIEN